Interview accordé à l'express.
Robert Pattinson profite de quelques jours de
repos dans son appartement londonien avant de partir tourner The
Lost City of Z, sous la direction de James Gray, à Belfast
d'abord, puis en Amérique du Sud. Dès les premières questions, on
sent que le comédien n'est pas à l'aise avec les interviews. Le
téléphone rend l'échange encore plus froid. Mais, progressivement,
en cette chaude journée d'été, la glace finit par rompre. On
découvre, derrière le jeune homme réservé, un acteur drôle et
très cinéphile.
Avant de tourner Life,
qui était Anton Corbijn pour vous? Le photographe des musiciens ou
le réalisateur d'Un homme très recherché ?
C'est impossible de ne pas connaître les photos
d'Anton Corbijn. Mais je suis d'abord un grand fan de Control
[premier film d'Anton Corbijn sur la vie de Ian Curtis, le
leader de Joy Division, NDLR]. Je l'ai vu plusieurs fois. Je voulais
vraiment travailler avec lui.
Est-ce donc le metteur en scène qui vous
pousse à accepter un projet?
Un film est toujours un pari. Quand on signe, on
ne sait jamais si le résultat va être bon ou mauvais. J'aime avoir
des "garanties". En tournant avec des metteurs en scène
que j'admire, les risques sont limités. Je rêve, depuis des années,
de tourner avec James Gray, par exemple. Two Lovers est,
pour moi, un chef-d’œuvre: les acteurs sont parfaits,
l'architecture du récit très subtile. Très peu de réalisateurs
sont capables de tourner ce genre de film. James Gray fait un cinéma
très singulier qui possède un souffle classique.
On a eu trois projets ensemble. Il y a trois ans,
je le lui avais déjà dit oui pour The Lost City of Z,
l'histoire fascinante d'un explorateur disparu en Amazonie. Le script
n'a pas arrêté d'évoluer. Au départ, Brad Pitt [producteur du
film, NDLR] devait interpréter le rôle que tient finalement Charlie
Hunnam. Mais je n'aurai jamais lâché. J'étais prêt à attendre
encore.
D'où vous vient cette cinéphilie?
Mon premier choc de spectateur, à 15 ans, a été
À bout de souffle, de Godard. En sortant du cinéma, je
voulais être Belmondo alors même que je ne désirais pas encore
être acteur. Le style du film était tellement nouveau... Après,
j'ai découvert Milos Forman, Bob Rafelson. Et, un peu plus tard,
j'ai tremblé devant Scanners, de David Cronenberg.
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La liste des réalisateurs avec lesquels
vous tournez est très impressionnante: Werner Herzog,
David Cronenberg, James Gray, Harmony Korine l'année prochaine. Ne
voulez-vous faire une carrière que dans les films d'auteurs?
Les rôles les plus passionnants se trouvent dans
le cinéma indépendant. Il est impossible qu'un film de studio
propose un rôle un peu subversif parce qu'il est conçu pour être
du divertissement grand public. Je ne veux pas prendre une pose
d'artiste, mais je ne suis pas intéressé par un film si c'est juste
pour y jouer. Je veux des rôles qui me mettent en danger à chaque
fois.
En danger: dans quel sens?
Je ne sais pas. Je fais ce métier depuis onze ans
et je commence à savoir ce que j'aime et ce que je peux jouer. En
fait, je cherche des personnages un peu complexes. J'aime l'idée
d'approcher un rôle en n'ayant aucune idée de la manière de
l'interpréter. L'idée de l'expérience au sens scientifique du
terme me séduit. Pas l'expérience au sens de compétence.
Êtes-vous en train de vous orienter vers
ce genre de carrière en réaction à la saga Twilight?
J'ai débuté avec des rôles bizarres, même
avant de tourner Twilight. C'était des petits films. Et
même Twilight, si on n'y réfléchit bien, ce n'est pas
très conventionnel. En fait, je ne sais pas comment être
convaincant dans le rôle d'une personne dite normale.
Avez-vous refusé beaucoup de franchises?
Impossible de répondre. Mon agent sait ce qui
m'intéresse et il fait le tri, j'imagine. Pour me vanner, il me dit:
"Et si un studio arrive avec un héros qui a une jambe de bois
ou un truc très rebutant, est-ce que tu accepterais?" Je ne
fais que suivre mes rêves: travailler avec les réalisateurs que
j'admire. Rassurez-vous, la liste n'est pas longue, j'arrive bientôt
à la fin. J'ai quatorze cinéastes de chevet et j'ai déjà tourné
avec six d'entre eux. Mais j'ai la chance de découvrir de nouveaux
cinéastes, comme Josh et Ben Safdie avec qui je vais tourner une
comédie noire, Good Time, dans laquelle je serai quasiment
le seul acteur professionnel.
Qu'en est-il du projet que vous aviez avec
Olivier Assayas, Idol's Eye?
L'automne dernier, je suis allé à Toronto pour
le film et la vieille du premier jour de tournage, tout s'arrêtait.
C'est arrivé trois fois de suite. Horrible. Je ne sais pas où ça
en est.
Pourquoi avez-vous voulu que Romain Gavras
vous dirige dans la pub Dior?
J'ai flashé sur son film, Notre jour viendra.
Et sur "Stress", son clip pour Justice. J'aime l'énergie
frénétique qui s'en dégage. Je sais que la vidéo [qui montre des
gamins de banlieue agressifs en train de tout casser, NDLR] a été
considérée comme subversive. Romain m'a dit que le jour où son
clip est sorti, l'extrême gauche le taxait de fasciste et l'extrême
droite d'anarchiste.
Difficile de faire le lien avec une marque
de luxe...
J'étais un peu angoissé à l'idée de tourner
une pub. Je n'aimais pas trop l'idée de me retrouver dans une
position où j'aurais eu l'air de dire "Regardez-moi,
regardez-moi.". Avec Romain Gavras, je sentais que le film
serait plus viscéral et moins esthétique. Bien sûr, ça reste une
pub. Je suis ravi que l'on ait ajouté une fille, Camille Rowe
Pourcheresse. Elle attire toute l'attention.
Vous devez détester être photographié.
C'est un peu paradoxal d'avoir accepté le rôle d'un photographe...
Pour moi, Life n'est pas un film sur la
photographie. Ce qui m'a vraiment attiré, c'est le parcours d'un
homme qui veut devenir un artiste. Dennis Stock voit James Dean comme
un sujet qui va lui ouvrir les portes d'une carrière artistique.
Tandis que James Dean pense que c'est lui l'artiste et que les photos
de Dennis ne seront célèbres que parce qu'il en est la vedette.
J'adore ce paradoxe. Dennis Stock était d'ailleurs assez amer que la
seule chose qu'on retienne de sa carrière soit ses photos de James
Dean. Il disait avoir photographié de très beaux paysages et une
série sur le jazz. Il détestait ce pourquoi il était le plus
célèbre. Je trouve ça très intéressant. Il arrive parfois la
même chose dans les carrières d'acteur.
Dennis Stock est un personnage peu
aimable. Cela ne vous ennuie-t-il pas de renvoyer cette image
antipathique?
Non, c'est ce qui rend le rôle passionnant. Après
avoir refermé le scénario, j'ai imaginé la démarche de Stock. Je
pouvais presque sentir sa maladresse, sa frustration, son manque de
confiance en lui. J'ai compris cet homme qui a été père à l'âge
de 20 ans sans savoir comment l'être. Il ne s'aimait pas assez pour
aimer son enfant.
Comment avez-vous abordé le rôle?
Anton Corbijn m'a confié un Leica. Je me suis
baladé avec pendant quatre mois. J'espérais être un photographe
né, mais aucun miracle ne s'est produit. Mes photos n'étaient pas
formidables. Néanmoins, ces quatre mois m'ont fait comprendre la
position du photographe. On se sent à l'aise partout, comme si on
avait une bonne excuse d'être là. Tenir un appareil dans les mains
s'apparente à une forme de pouvoir.
C'était particulièrement vrai dans les années
1950 car seuls les professionnels pouvaient se balader avec un
appareil photo. Ceux pour amateurs venaient juste d'être inventés
et peu de gens pouvaient se les payer. Il y a la solitude aussi -
thème cher à Anton Corbijn - car la photographie est l'un des seuls
arts où on doit cacher son visage. Dennis avait envie d'être une
star lui aussi mais il ne pouvait parvenir à briser la vitre
derrière laquelle il s'était réfugié. Cette séparation est
encore plus forte quand vous photographiez des gens célèbres.
Le tournage de Life vous
a-t-il changé?
Oui, car j'essaye de trouver des rôles qui me
permettent de mieux comprendre qui je suis et de m'améliorer. Pour
moi, Life est une histoire sur la confiance en soi. J'ai,
depuis, accepté des rôles que je n'aurais jamais osé assumer
avant. Des films assez extrêmes, comme celui des frères Safdie. Et
le prochain Claire Denis, dont je suis fan depuis que j'ai découvert
White Material. Ce sera son premier film en langue anglaise,
et son premier film de science-fiction!
Life questionne le mythe de
l'éternelle jeunesse. Comment envisagez-vous la trentaine, vous qui
avez 29 ans?
Je trouve que les rôles d'hommes sont plus
attrayants en vieillissant. Donc je n'ai pas peur de changer. Au
contraire. Quand on a la vingtaine, c'est très dur de trouver des
bons personnages. Ado, j'adorais la façon de bouger de James Dean.
Il avait une élégance incroyable. Si on regarde de près ses
interprétations, il fait beaucoup de mouvements qui ont l'air d'être
des pas de danse.
Quel rapport entretenez-vous avec votre
corps?
J'ai toujours été assez mal à l'aise avec lui.
Je commence à peine à me sentir bien. Mais suivre un cours de danse
comme l'a fait James Dean, c'est mon image de l'enfer! Je ne suis pas
très musculation non plus. Je crois qu'il faut que je m'y mette.
Ressentez-vous une pression du milieu pour
rester jeune et beau?
Dès que j'en aurai besoin, je foncerai chez le
chirurgien et je ferai remplacer tout ce qui peut l'être! Il paraît
qu'il existe des super-muscles en silicone...
La carrière de Leonardo DiCaprio, auquel
on vous compare souvent, est-elle un modèle pour vous?
Oui, il a une carrière incroyable... J'adorerais
retravailler avec David Michôd, qui m'a dirigé dans The Rover,
comme Leo travaille avec Scorsese. La vérité, c'est que je ne sais
pas vraiment où je veux aller. Et je ne sais pas ce dont je suis
capable. Je fais confiance au destin.
Source : http://www.lexpress.fr/
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